Envies parallèles
Ce qui s'est passé dimanche dernier est à l'image exacte de ce que je suis dans la vie, le parallèle en est parfait. Un projet, quelque chose qu'on décide à plusieurs mais qui ne se réalise qu'individuellement. Nous avions décidé de participer à ce concours de sauts d'obstacles, j'y allais sans appréhension avec un véritable désir de faire, d'y arriver, sans m'en soucier à l'avance, sans douter de ma capacité à le faire. Je n'avais jamais encore fait cela, mais l'idée me plaisait beaucoup. Je suis une parmi d'autres et j'ai très envie de faire ou d'être.
Le jour venu, quand d'autres viennent accompagnés qui de leur mari, qui de leurs enfants, qui de leurs amis, j'arrive seule. Mais je retrouve ces autres, je suis moins seule. On m'a attribué un cheval que je ne connais pas, peu m'importe je l'ai monté pour la première fois la veille et ma foi il n'est pas si terrible que cela. Mieux, je suis la première à encourager ceux qui doutent d'eux, je ne doute pas de moi. Plus le temps passe, plus j'ai envie d'y être. Comme dans la vie toute ces choses que j'ai très envie de faire, ces choses qui sont à ma portée et que portée par les autres je vais faire parce que l'envie en est très forte. Je vois d'abord les premiers s'avancer sur la piste et réaliser finalement facilement ce que moi-même je m'apprête à faire.
Et puis arrive mon tour. Préparer le cheval, pas de problème. Me préparer à faire, pas de problème. Détendre la bête, pas de problème. Un petit obstacle d'échauffement, pas de problème, j'y viens et j'y reviens. Un premier pas, pas de problème, je suis encore dans ce fort désir de faire les choses. Et cette fois c'est moi qu'on appelle. J'approche de la piste. Je sens ma monture s'échauffer à la vue des obstacles, je sens mon désir me terrifier à mesure que l'objectif approche. Je ne m'y suis probablement pas suffisamment préparée, je n'y ai sûrement pas vraiment pensé. J'y suis allée simplement parce que j'en avais envie.
Et brusquement je perds la maîtrise de l'animal. Brusquement je réalise ce que je m'apprête à faire, ce qui va se passer, ce qui risque de se passer. Les obstacles sont un peu plus hauts que ce que j'avais prévu. L'animal est jeune, le désir n'est pas mesuré. J'ai peur. Je suis lamentable. Je ne sais pas faire. L'animal fait ce qu'il veut, ce qu'il veut c'est sauter les obstacles, c'est mon désir le plus fort, mais je le retiens de toutes mes forces parce que j'ai perdu toute confiance en moi à la vue des obstacles à franchir. Je retiens l'animal de toutes mes forces, si fort qu'il réagit à l'inverse. Le désir est là, celui du cheval, le mien, mais moi je retiens tout ça parce que j'ai peur, parce que la panique m'empêche d'avancer davantage, alors j'abandonne et je rentre à l'écurie. J'étais si près du but, je n'ai pas su trouver les bons gestes, les bons mots, la bonne attitude. Plutôt que de me détendre, l'angoisse m'a submergée, dépassée. J'ai fait demi-tour, c'était ce qui était le plus facile. Me voilà revenue à la case départ.
Chacun se réjouit de sa victoire, je reste à part, chacun part de son côté, je reste là à regarder les autres évoluer encore. Je regrette. Et puis je sens l'eau qui monte dans mes yeux.